Rien de plus facile, pour une personne malveillante ou une entreprise intéressée par nos données personnelles, que de nous pister via nos machines numériques. Même si on n'a rien à cacher, mieux vaut ne pas laisser ouvertes les portes et les fenêtres digitales. Petit guide d'hygiène numérique.
Dans le documentaire très remarqué Nothing to Hide (2016) de Marc Meillassoux et Mihaela Gladovic, le jeune artiste Max Thommes, persuadé de n'avoir rien à cacher de sa vie, accepte de laisser « hacker » - espionner - son MacBook, son iPhone et ses applications pendant un mois. Le contenu ne sera même pas analysé, seulement les « métadonnées », les données sur les données : heures de connexion, géolocalisation, objet des mails, fréquences de communication... L'expérience est édifiante, sinon terrifiante quant à la « perspicacité » du logiciel espion. Pour nous, pas besoin de faire l'expérience de Thommes. Tous, de plein gré, par paresse ou à notre insu, nous laissons en permanence derrière nous de multiples traces numériques, pièces d'un puzzle aisé à reconstituer pour dresser de nous un profil digital d'une criante vérité. De quoi satisfaire un espion mal intentionné ou une entreprise décidée à faire son miel de nos données. Car, dans le modèle dominant de publicité sur Internet, celle dite « ciblée », ces informations individuelles ou collectives sont une vraie mine d'or.
Comme on dit dans le marketing, si c'est gratuit, c'est que le produit c'est vous ! Où vous êtes-vous rendu, avec qui avez-vous communiqué et par quel moyen, quels sites Internet avez-vous visités, qu'y avez-vous consulté, acheté ? Il faut bien moins d'un mois pour connaître par le menu notre emploi du temps, nos goûts, nos habitudes, notre cercle social, notre situation financière, nos opinions politiques, nos convictions religieuses, nos orientations sexuelles, nos rencontres... Une journaliste de The Guardian, assidue sur Tinder a réussi - non sans difficultés - à se procurer les données collectées à son sujet depuis quatre ans par l'appli de contact : au total 800 pages d'informations précises, très personnelles et très intimes ! Tinder prévient d'ailleurs, pour qui prend la peine de lire les petits caractères, que ces données peuvent être utilisées pour de la publicité ciblée. Et qu'il ne faut pas penser qu'elles sont en parfaite sécurité ! Alors, n'ai-je vraiment rien à cacher ? « Ce n'est pas un argument recevable, assure Rayna Stamboliyska, auteur du livre "La Face cachée d'Internet" (Larousse, 2017). Nous avons tous et toutes quelque chose à cacher. Cependant, avoir une vie personnelle et une intimité ne veut pas dire qu'on est un criminel ou qu'on agit comme tel. »
sources: https://www.lesechos.fr/